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Les années Lépinay
Les années Lépinay 1985-1989
© Archives lycée Livet
La rentrée 85, Raymond Lépinay remplace Jean Husson à la tête du lycée Livet. Ancien CPE, principal, censeur, il arrive de Laval où il dirigeait le lycée Réaumur. Plein de finesse et d’urbanité, diplomate né, il sait écouter et accorde une place déterminante à la concertation. Il sait persuader et séduire, il a l’art d’amener à ses fins son interlocuteur sans le contraindre, en lui laissant l’impression qu’il y est venu de lui-même.
L’équipe de direction n’a guère changé : seuls deux CPE sont nouveaux. Alain Rolland a succédé à G.Corvec en 84, et Alain Aubineau remplace B. Pillard en 85. Ils ont chacun leur style, leur personnalité, mais adoptent volontiers les méthodes de travail de leurs prédécesseurs. Ils sont vite intégrés. Quant à la culture d’établissement, ce qu’on appelle "l’esprit Livet", elle se renforce sous l’effet du management du nouveau proviseur.
Monsieur Lépinay constate, en effet, que la qualité des personnes et de leur travail rend possible un type de gestion de la communauté qui pourra développer davantage encore la capacité d’initiative et la responsabilisation des acteurs de la vie du lycée.
Sa gestion repose sur quatre principes : la délégation de pouvoir, la plus complète possible ; la préparation, l’explication et la diffusion des décisions ; la remontée et le partage des informations ; la responsabilisation de tous les membres de l’équipe d’animation du lycée. Sous sa direction le Conseil d’administration du lycée se réunira plus fréquemment (8 fois par an), en plus des réunions mensuelles de la commission permanente.
Favoriser l’initiative de chacun
Raymond Lépinay s’appuie donc sur les équipes pédagogiques et sur ses collaborateurs. Ni secret ni jacobin, il décentralise volontiers ses responsabilités, sans se dessaisir de son pouvoir, puisque c’est lui le responsable en dernier ressort.
Les conseillers d’éducation, le chef des travaux, l’intendant, le proviseur-adjoint ont chacun des missions précises. Ils prennent, à leur échelon, les décisions dont ils rendent compte au chef d’établissement, particulièrement lors de la réunion commune hebdomadaire. Le proviseur-adjoint a en charge le domaine de la vie pédagogique : services, emplois du temps, conseils de classe, l’orientation, les examens.
L’intendant s’occupe de son domaine de compétence propre, entretien des locaux, commandes, comptabilité. Il communique aux Atos les directives correspondant aux répercussions des décisions concernant la vie scolaire ou pédagogique, par exemple la préparation des salles d’examen. Il assume la responsabilité de leur exécution.
Les CPE sont chargés de l’accueil des élèves et de leur famille, qu’ils reçoivent en entretien début juillet au moment de l’inscription. Ils assurent le suivi scolaire d’un niveau, en relation étroite avec les professeurs. Ils assistent aux conseils de classe et représentent le proviseur s’il est absent. Ils ont la responsabilité de l’internat, l’un d’eux s’occupe du foyer socio-éducatif, l’autre du service des surveillants, le troisième du service informatisé des absences.
Le chef des travaux coordonne toute l’activité des ateliers : emploi du temps, suivi des classes, formation des professeurs, relations avec les fournisseurs, prévisions d’achats et d’investissements.
Le proviseur ne gère donc pas le quotidien. Il contrôle seulement la politique d’ensemble et se consacre aux relations extérieures avec les autorités régionales, académiques ou locales, les partenaires économiques et les organismes de formation.
En appliquant ces principes encourageant l’autonomie, la responsabilité des personnes et des équipes, en sécurisant ses collaborateurs, qui savaient qu’ils pouvaient compter sur lui, car il assumerait et les défendrait en cas de besoin, monsieur Lépinay a donné une vive impulsion à l’engagement personnel de chacun à Livet.
Un double défi
C’est un administrateur qui arrive à son heure pour relever un double défi, celui de la décentralisation et celui de la modernisation de l’enseignement technologique.
En 1985 en effet, le lycée technique d’État devient Lycée Technologique Régional. Si l’État conserve la responsabilité des programmes et des personnels, la Région reçoit celle des investissements et du fonctionnement matériel des établissements scolaires. Une des premières tâches du nouveau proviseur est donc de faire l’état des lieux pour en proposer la restructuration rendue indispensable par la vétusté, l‘envolée des effectifs (1533 élèves en 88, soit 407 « élèves de plus entre 84 et 88) et l’évolution des enseignements technologiques.
L’autre défi à relever est effectivement celui de la refonte des enseignements technologiques. En 1985 on réforme les programmes de seconde : la technologie des systèmes automatisés (TSA) y est introduite, ainsi que l’électronique et l’informatique. Les années suivantes, sont enseignés désormais en première puis en terminale, l’étude des systèmes techniques industriels, l’automatisme et l’informatique industrielle, suite logique de la transformation des programmes de seconde.
L’introduction de la notion fondamentale de système technique entraîne une réforme de fond de l’approche technologique. La part de la fabrication et de la mise en œuvre en ateliers est réduite, au profit d’enseignements plus expérimentaux en laboratoire. De technique, l’enseignement devient technologique, et se rapproche de plus en plus de l’enseignement scientifique. Rappelons que la technologie est l’ensemble des savoirs et des savoir-faire dans un domaine industriel, fondés sur des principes scientifiques, permettant l’étude des machines et des techniques utilisées par ce domaine. Elle s’appuie sur des méthodologies rationnelles élaborées à partir de modélisations et d’expérimentations.
L’enseignement au lycée Livet se démarque donc très nettement de celui des lycées professionnels qui développent en priorité des savoir-faire. Cette évolution surprendra bien évidemment les élèves qu’on orientait traditionnellement vers le lycée technique, sous prétexte qu’ils étaient plus "manuels" que conceptuels. Ils seront déroutés par les nouvelles exigences de la technologie, qui en partant du concret conduit de plus en plus à l’abstraction. Ces élèves devront progresser dans les enseignements généraux, maths, physique, techniques de lecture, compréhension et réflexion (grâce aux disciplines littéraires et aux sciences humaines) qui sous-tendent la démarche technologique.
Le recul des formations courtes
Pendant des années, on constate un net recul des formations techniques courtes et un renforcement des sections conduisant au baccalauréat.
Le secteur modelage-fonderie s’étiole, malgré l’excellence des équipes pédagogiques et la réussite exemplaire des élèves aux examens. Ces formations exigeantes, mal connues du public, ont du mal à recruter. Il faudrait investir pour s’adapter aux techniques nouvelles, mais la profession n’y consent qu’à condition de recruter suffisamment. C’est un cercle dont on ne sort que par le transfert des BEP, puis des BT modeleurs en 89 au LEP des Savarières, mieux équipé pour travailler les nouveaux matériaux, résines et matières plastiques.
La section de BT fonderie disparaîtra elle aussi. Seule sera conservée une formation complémentaire post-bac en alternance, qui s’éteindra au début des années 90.
Le BEP géomètre, ouvert en 73, reste une section bien vivante, qui recrute des élèves motivés et bien encadrés par une équipe solide. Mais cette formation courte est remplacée en 88 par un BT géomètre topographe, mieux adapté à la proximité des équipements et des enseignements de la classe préparatoire au concours d’expert géomètre. Ce BT accueillera les meilleurs élèves du BEP préparé désormais au LEP Michelet.
Les formations au baccalauréat : fortunes diverses
Le lycée attire un grand nombre d’élèves : c’est l’effet de la tendance générale à la poursuite des études, de la rénovation des formations technologiques, de la politique de communication du lycée en direction des collèges de son secteur de recrutement. En outre l’introduction de l’espagnol en seconde langue (en 87) lève un obstacle à l’orientation vers le lycée Livet. Il faut donc ouvrir de nouvelles classes de seconde TSA, qui dépassent parfois les 35 élèves… Les filières qui attirent davantage sont le génie civil et, de plus en plus, l’électronique. Il faut bientôt créer une troisième classe dans ces disciplines.
La micro technique (F10) retrouve un souffle nouveau avec la création, en 85, du BTS Micro qui propose une poursuite d’études dans l’établissement. La construction mécanique (F1) stagne. Malgré les nombreux débouchés qu’elle offre, la classe connaît des problèmes de recrutement et, comme c’est souvent le cas dans ces conditions, elle se retrouve avec des élèves dont la mécanique n’est pas la vocation première… mais qui n’ont pas été acceptés dans la filière de leur choix.
Un fort investissement pédagogique
Le soutien dans les disciplines générales est maintenu pendant ces quatre années. Il s’accompagne d’une incitation à la lecture, d’une formation sur informatique des mauvais lecteurs de seconde, du renforcement des horaires d’enseignement général dans classes d’adaptation. L’utilisation systématique de l’horaire-élève minimum permet le dédoublement en travaux dirigés. La refonte du règlement intérieur met l’accent sur la notion de contrat éducatif entre l’élève et l’institution, sur le contrôle des connaissances, sur le rôle important des délégués de classe, sur la participation des élèves aux instances de concertation.
L’orientation des élèves fait l’objet d’un soin particulier : avec l’aide des conseillers d’orientation, un fichier d’autodocumentation est entretenu par un professeur de Lettres. Les CPE de l’époque animent une politique d’orientation en seconde et en terminale, organisent des journées d’information des secondes par les élèves de terminale, des terminales par les anciens élèves qui reviennent à cette occasion au lycée. Finalement grâce à cette politique conjuguée des CPE et des enseignants, on obtient un taux de redoublement et de réorientation de 8,5 et de 2,5% en 87-88, pourcentages très inférieurs à ceux des autres établissements de la région.
L’informatique fait son entrée en force dans le système d’enseignement et de gestion du lycée. Elle est enseignée aux élèves de seconde et on équipe des salles à cet effet ; un fichier élèves est installé en 1986, un logiciel de gestion (Edutel) est utilisé à partir de 1987.
Même évolution avec la reprographie : la photocopie rentrant dans les usages quotidiens, son budget connaît une inflation galopante. On instaure des quotas annuels et des compteurs par discipline, avec un succès relatif…
Un lycée ouvert sur l’extérieur
Symboles de cette politique, les jumelages et les actions de formation conduites avec des partenaires se poursuivent. Citons entre autres les chantiers écoles avec la société Vezin, la FCIL (formation continue d’intérêt local) plasturgie en partenariat avec la CPIO, l’accueil de stagiaires libanais en formation BTS, la convention avec la Fédération de Rugby pour l’accueil d’élèves en classe sport-études, la convention avec le Club Alpin, etc…
Le lycée participe activement au salon Formathèque et aux Carrefours d’information sur les carrières et les poursuites d’études. Il y présente ses formations et s’y confronte à la concurrence de l’enseignement privé.
Les PAE se tournent eux aussi vers l’extérieur : les terminales E visitent l’Aérospatiale, les élèves de génie civil réalisent un fichier informatique des entreprises du BTP, la section encadrement de chantier et la F 12 proposent l’aménagement de la cour de l’école maternelle Leverrier, le club Tiers-Monde organise l’Opération Solidarité Niger (OSN) et convoie du matériel au Mali, etc…
En fait, c’est le lycée tout entier qui se met en prise directe avec la réalité technologique, économique et sociale.
Vers la restructuration des locaux
Cependant l’explosion des effectifs, l’évolution des enseignements technologiques rendent intenable la situation. Des réalisations ponctuelles seront donc entreprises avec les moyens du bord ou grâce à la Région. Mais c’est un pis-aller et les problèmes de fond demeurent.
On restructure certains bâtiments par permutation de salles, on repeint, on agrandit, on construit même des salles, des bureaux, bref on se débrouille en utilisant les compétences du génie civil et des personnels d’entretien du lycée. Principaux bénéficiaires : la section microtechnique, la formation continue, le documentaliste (toujours seul, alors qui lui faudrait au moins un collègue), les physiciens, qui obtiennent des amphis d’électricité, les filles, qui peuvent enfin être logées sur place (sans eau chaude, un WC au bout du couloir), la section électronique qui a besoin de m2 supplémentaires. C’est du bricolage, mais précieux puisqu’il évite l’asphyxie du lycée.
Le transfert de la gestion des locaux à la Région va être la chance de Livet. Elle va consentir à un certain nombre de travaux qui vont permettre au lycée de poursuivre son expansion : cinq salles de classes situées au dessus du préau sont livrées à la rentrée 87, à celle de 88 quatre salles de TSA et de dessin (090 et suivantes) et deux salles d’électronique informatique (près de la salle des fêtes). L’aire de travail des sections électroniques est réorganisée et modernisée. On installe 18 douches pour les internes…
Mais l’établissement ne peut indéfiniment surseoir aux échéances. Le proviseur, tous les personnels, savent bien qu’il va falloir adapter le lycée aux effectifs, aux nouveaux programmes d’enseignement, aux normes de sécurité et d’hygiène contemporaines, et tout simplement éviter que la situation ne devienne ingérable. L’idée d’une restructuration globale s’impose et le rectorat impulse projets et études qui se succèdent dans les années 87-89.
Finalement Monsieur Lépinay propose au CA du 31 mai 1989 une redistribution des locaux par secteurs d’activité, avec extension des surfaces disponibles par la construction d’un nouveau bâtiment, la réfection complète de l’internat, la création d’un self service, le ravalement des façades intérieures et extérieures. Le projet est évidemment accepté…
Un lycée prêt pour la modernisation
Ces quatre années de la gestion de Raymond Lépinay sont des années d’une transition heureuse. De la période précédente, il a consolidé les acquis de la vie scolaire et de la pédagogie. Sous sa direction, la concertation et l’autonomie des équipes se sont exercées dans le sens de l’innovation technologique et pédagogique Les relations avec le monde extérieur se sont accrues. Un dialogue constructif avec la Région et le Rectorat a permis la préparation de la restructuration globale de l’établissement. Le lycée Livet est prêt pour la modernisation qui fera de lui un lycée du troisième millénaire. Ce sera l’œuvre de son successeur ; Jacques Joubert.
Jean Chavenon