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Les E.N.P dans les années 50
Ce texte est un extrait d’un document de 24 pages intitulé : Angers 1958-2008 – Des Parrains s’adressent à leurs filleuls.
Ce document rédigé par Pierre LAUCOURNET, entré aux Arts & Métiers d’Angers en 1958 après avoir préparé le concours à l’E.N.P de Limoges, est destiné à témoigner auprès des élèves entrés aux Arts & Métiers d’Angers en 2008 de ce qu’a été le demi-siècle qui sépare les deux promotions, de ce qu’a été la vie et son décor de la première. Cette promotion entrée à Angers en 1958 comprenait trois élèves qui sortaient de la classe TM1 Ex58 de l’E.N.P Livet de Nantes.
L’enseignement secondaire dans les lycées ou collèges, filières classique (avec latin-grec) ou moderne, menait de la 6ème aux bacs lettres, sciences expérimentales et mathématiques élémentaires. Certains avaient aussi une filière technique à partir de la 4ème qui menait au bac mathématiques et technique, de même que les Écoles Nationales Professionnelles (E.N.P). Nous avons presque tous suivi la filière technique qui avait l’avantage, pour les « classes laborieuses » dont nous sommes largement issus, d’accéder à un métier « sûr » et de façon progressive : CAP, brevet de technicien, technicien supérieur, ingénieur. Quelques fils de militaires ont fait une école d’enfants de troupe au programme identique.
L’E.N.P : la plupart d’entre nous sont passés par cet établissement d’ ENSEIGNEMENT TECHNIQUE où l’on entrait sur concours en 4ème préparatoire (20 places pour des centaines de candidats de 12/14 ans. Curieuse époque où l’enseignement technique sélectionnait les meilleurs pour les options : maths (TM), industrie (TI), bâtiment (TB) ou commerce (TC). L’option TM, celle des forçats, menait au bac « mathématiques et technique » et à la préparation A&M.
Programme hebdomadaire : cours, atelier et dessin soit 40 heures dont :
• math., sciences, français, hist.-géo., langues : 24 h = 4 h X 6 matinées
• atelier, dessin indus., technologie : 16 h = 4 h X 4 après-midi
• A ajouter : 21 h d’étude (3 h X5) + 4 h + 4 X 1/2 h
• Ça fait : 61 h !
En INTERNAT on se levait à 5 h 45, dès la sonnerie nous devions être debout et découvrir le lit sinon le pion le vidait. Etude de 6 h 15 à 7 h 15 ; cours de 8 h à 12 h, atelier ou dessin de 14 à 18 h ; à nouveau étude de 18 h 15 à 19 h 15 et de 20 à 21 h. Après-midi de jeudi et dimanche, promenade ou sport (les 1ères et terminales avaient droit de sortie). Retour en famille un week-end sur deux si elle était proche, sinon une fois par trimestre.
Quand la langue vivante était unique, les premiers au classement d’entrée, d’office en Allemand, allaient être pénalisés à vie. En maths et en physique, certains morceaux de bravoure ont disparu : calcul logarithmique, calcul à la règle, géométrie descriptive, systèmes d’unités… On étudiait les philosophes d’alors (A. Siegfried, G. Fourastié…) qui pensaient qu’avec l’automatisation nous allions vers la « civilisation des loisirs », sans travail manuel. Notre « éducation » sexuelle n’existait que par la lecture à la lampe de poche sous les draps, de revues « osées » pour l’époque, où le flou estompait le peu que la censure laissait passer...
Les matières techniques qui prenaient presque autant de temps que l’enseignement général, demandaient peu de travail personnel. Au début c’était très dur physiquement pour les moins costauds : sur un parallélépipède d’acier de 10 X 5 X 3 cm, il fallait limer plusieurs millimètres de gradins à la « deuzopaquée » (grosse lime vendue par paquets de deux) ! Sur la pièce suivante les mm étaient enlevés au burin et bédane : c’était plus rapide mais la main qui le tenait était bleue ou rouge suivant l’adresse. On faisait des AJUSTAGES en tenon/mortaise, queue d’aronde, prisme dans une plaque,… épreuves du CAP d’ajusteur et du bac math technique. Quels efforts pour essayer de « maîtriser »la matière afin de pouvoir « s’affirmer » face à des ouvriers. On apprenait ensuite tournage, fraisage, rabotage (à l’étau limeur), rectification, puis forge, tôlerie, modelage, électricité… Dans les vieux collèges les machines avaient encore des renvois à courroies. En dessin industriel, sur du papier punaisé sur la planche à dessin on esquissait au crayon 2H, et finissait au HB ou à l’encre de chine (avec trace lettres). On dessinait sur du calque pour le reproduire en « bleu » (parfois rouge) dans une machine à UV avec révélation à l’ammoniac dont les émanations dégageaient les sinus.
En technologie on passait beaucoup de temps à nous initier aux formes d’outils, aux subtilités des têtes de vis ou des goupilles… aussi nos camarades des sections math-sup n’ont pas eu trop de problèmes d’adaptation.
La DISCIPLINE était rigoureuse, on se déplaçait en rangs par deux entre salles, ateliers, réfectoire et dortoir, avec une blouse grise (un bleu dans les ateliers) et des feutres aux pieds dans des sabots à semelle de bois et caoutchouc, dessus cuir ciré fréquemment. La douche hebdomadaire était chronométrée. Les punitions pour indiscipline ou travail insuffisant allaient de 2 à 8 heures de « COLLE » le dimanche. Au dehors nous portions un UNIFORME de type Gadzarts à partir de la troisième. Dès la 1ère on avait le droit de fumer dans la cour ! Pour les enfants de troupe la discipline était encore plus rigoureuse (la prépa à Angers avait lieu au Mans). A l’inverse les externes et demi-pensionnaires ont eu une vie moins contrainte, certains ont été scouts pour compenser…
Reproduit avec l’aimable autorisation de Pierre LAUCOURNET et de sa promotion. A quelques variantes près, la vie était similaire dans les ENP de Limoges (décrite ici) et de Nantes (et vraisemblablement dans les autres ENP …).
Fonds TM1 Ex58. E.N.P Livet de Nantes.
Note de Michel Kerézéon :
Pour l’épreuve manuelle d’atelier au Bac math et technique, j’ai le souvenir de l’épreuve de dessin industriel de 5 heures au 1er étage du Champ de Mars, mais pas celle de l’atelier. Par contre, l’interrogation à l’oral de technologie m’a plus marqué, car en Spé nous étions moins instruits que les Normales pour cette « matière ».
28.04.2010