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Retours en vue
Les anonymes restent toujours plus ou moins impossibles. Ils se manifestent par des réapparitions souvent incongrues, hasardeuses. Ce qui les rend souvent "peu supportables". Connaîtraient-ils quelques dérangements dans leur silence ? Confinés dans les incertains compartiments de nos mémoires ?
Aurions-nous une trop juste vue de ce qu’ils ont rêvé, produit, vécu ?Certes, rien ne nous assigne à les faire parler. Mais le non-dit, nous étouffe souvent. Afin donc que le réel prenne consistance, nommons-le !
La grande filiation des anonymes
Le texte ci-dessous nous plonge, à sa manière, dans les années soixante et les luttes pour préserver l’emploi à Nantes. Les négociations sur les salaires furent souvent âpres. L’amélioration des conditions de travail et la question des licenciements occupèrent le cœur des débats. La crise qui secoua alors le monde de la métallurgie et l’ampleur des mobilisations ouvrières laissèrent des traces profondes dans l’imaginaire social.
Ici, dans un renvoi quasi subliminal, il est question du lycée Livet. Effet de loupe rétrospectif ? Il est permis d’en douter. On mesure mieux aujourd’hui à travers les formations dispensées (en autres l’ajustage) le remarquable apport du lycée à la vie économique et industrielle nantaise et tout particulièrement à la Navale : ACN, Dubigeon…
© Fonds C.B
Le parcours des plus anonymes exige — c’est bien le moins ! — la reconnaissance "laborieuse" de pans entiers de vie. Dans l’ombre portée du travail s’incruste parfois l’ordinaire de terribles sacrifices.
Cette page reste donc la très nécessaire contrepartie des parcours d’exception. Gardez-là en mémoire.
« Quand les gars apprennent que la direction va licencier vingt chaudronniers ou quinze fondeurs, forcément ça discute. Et quand les listes sont affichées, ça discute encore. Certains trouvent anormal qu’untel, célibataire, conserve son boulot, tandis que son voisin d’atelier, père de trois enfants, est foutu à la porte ; d’autres signalent qu’un autre n’est pas licencié alors que sa femme travaille, tandis que, etc., etc. Quand j’entendais ça, je disais aux gars : « Si on met le doigt dedans, si le syndicat commence à rédiger avec le patron la liste des licenciés, jusqu’où on va aller ? Quand on aura mis dans la charrette tous les célibataires, est-ce qu’on va chercher à savoir si la femme de Robert gagne plus que celle de René et qu’à ce titre, René doit rester aux ACN ? Est-ce qu’on va compter le nombre de lapins dans les clapiers des uns et des autres pour savoir qui s’en sortira le mieux une fois au chômage ? » Non, on se bat contre les licenciements point. »
Telle est la règle… Pourtant, quand on a obtenu les retraites complémentaires, notre mot d‘ordre était le suivant : personne dans les chantiers après soixante-cinq ans. Mais on avait ajouté « sauf cas exceptionnel ». Pourquoi ? Parce qu’il pouvait y avoir des situations de famille difficiles. C’est ainsi qu’un ouvrier des ACN avait à sa charge ses deux petits-enfants et que ceux-ci étaient encore à l’école Livet. Leurs parents étant décédés, c’était à lui que revenait la charge de les entretenir. Et ce n’est pas avec une retraite d’ouvrier qu’il pouvait y arriver. Nous avons demandé son maintien dans l’entreprise et l’avons obtenu.
Georges Prampart, Une vie de combats et de convictions. Éditions du Centre d’histoire du travail.
Dessin d’élève. Année 1960.
© Archives lycée Livet