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Vies à l’ENP : son esprit et ses familles
Une famille à l’E.N.P Livet – Nantes
Ce 2 Novembre 2009, je reçois par mail des copies de registres de Livet concernant mon jeune oncle (seulement de 8 ans mon aîné) Yvon Rabiller. Ceci a provoqué chez moi une émotion certaine et me fait penser, rêver, au fait que nous sommes 4 dans la famille à avoir étudié dans les mêmes salles, ateliers … en une vingtaine d’années !
Le premier fut mon père, Jean Rabiller. Né en janvier 1917, sorti des Arts et Métiers, Angers, en 1937 (oui à 20 ans !) il est arrivé à Livet en provenance de « l’École Pratique » Avenue de Launay à Nantes. Ses parents, travailleurs mais très peu fortunés, lavandière sur un bateau-lavoir pour ma chère grand-mère, manœuvre, après avoir été un fin cordonnier, pour mon grand-père, n’avaient pu envisager de telles études. Mais, ses excellents résultats scolaires, sa volonté de travail et de réussite, ont été remarqués par le Directeur de l’École-Pratique. Il est intervenu directement chez ses parents, au 86 de la rue St Clément (Mal Joffre ensuite) pas bien loin de Livet, pour que mon père puisse étudier dans cette grande école. Je crois que ce monsieur a fait lui-même les démarches pour cela, pour obtenir les aides nécessaires… alors bravo et grand merci à cet homme qui a permis ainsi que mon père réussisse une belle vie professionnelle.
Et il l’a réussie ! Comme dit précédemment il est sorti des Arts à 20 ans et dans les meilleurs ! Il était INGENIEUR ! Ceci était certainement inespéré dans sa famille. Nos ancêtres, vendéens, étaient des cultivateurs, tisserands, cordonniers … c’était une vraie promotion sociale. En 1937 il est ensuite entré à l’École Navale pour devenir Ingénieur Mécanicien de la Marine Nationale. Peut-être avait-il, comme moi plus tard, rêvé sur les quais de Nantes, en observant tous ces bateaux qui venaient de loin, très loin, qui repartaient pour des destinations plus ou moins exotiques … En 1939, quand je suis né, à Vannes dans le lit clos de mon grand-père maternel, il était Ingénieur à bord du Contre-torpilleur Verdun stationné à Bizerte en Tunisie. (Je possède le télégramme qui lui a alors appris ma naissance !). Et moi je vis maintenant en Tunisie !!!
Je n’ai pas vraiment de détails sur la période de la guerre, un sujet un peu tabou à la maison par peur sûrement de réveiller des souvenirs douloureux. Il a navigué, entre autres, sur nos cuirassés, Richelieu et Jean Bart, était à Casablanca, Dakar ….Je me souviens tout de même des courriers que je recevais à Vertou où nous résidions alors, de « là bas », et où il me disait souvent que, en son absence et malgré mes 4 ans env., j’étais « l’homme » de la maison ….Je me souviens aussi des sandales en cuir qu’il envoyait et qui, vous l’imaginez, faisaient bien des envieux ! Puis, après la guerre, il a quitté la marine nationale pour entrer dans les constructions navales.
A Nantes d’abord, aux Chantiers de la Loire, ingénieur, ingénieur en chef, puis aux Chantiers de l’Atlantique, ingénieur en chef, sous-directeur … Il est décédé en 1981, bien trop tôt, à 64 ans, lors d’une opération de pontage coronarien dont il n’a pu être réveillé. Ce fut son parcours, avec de belles étapes dont le « France ».
Beaucoup de souvenirs ressurgissent de cette période, dont un inavoué jusqu’à ce jour : alors que j’étais à Livet, en 3ème je crois, j’ai fait, la seule fois dans ma vie, l’école buissonnière, pour assister au lancement du « Cassard », escorteur d’escadre !!! Et comme pour la Tunisie la vie m’a réservé une surprise : en 1958, la sortie en mer à la fin de mon cours de radio de la marine nationale s’est effectuée sur le ……… « Cassard » !!
Je crois, je suis sûr même, que mon père a toujours regretté d’avoir dû quitter la marine nationale (pour ma mère ?), il a vu et revu, m’a envoyé voir … le film « le grand pavois » qui traitait de ce sujet ! Il a même été heureux quand je me suis engagé dans la marine.
Mon père, Jean Rabiller, a toujours été un exemple pour moi, même si je l’ai sans doute déçu parfois, dans ma période d’ado.
Durant toutes ses études il était très bon en tout ! Ah non, pas tout à fait en anglais !! Je possède (mais en France dans un conteneur d’archives) un carnet de notes des Arts, qui fait rêver, où sa seule note en dessous de 16 à 19, est en anglais ! Ce n’était pas vraiment son truc, le mien non plus d’ailleurs.
En dehors de son métier, il avait une autre passion, il était un très bon et fin ébéniste, je me souviens qu’il possédait une mallette d’outils, « deuxième prix » en ébénisterie. Et il en a fabriqué, retapé des meubles et autres objets en bois. Durant des dimanches complets je l’ai accompagné dans son atelier pour l’aider un tout petit peu quand il fabriquait bureaux, ou autres meubles pour les 4 sœurs que j’ai eues. Alors que j’écris ceci, je revois les lieux, les outils … le stock de ses bois, je sens à nouveau les odeurs, c’est très curieux.
A Livet, le suivant fut son frère Léon Rabiller, né je crois le 20 09 1922. Il a arrêté ses études après Livet d’où il est sorti breveté « modeleur mouleur fondeur ». Lui aussi est décédé trop tôt, du même mal, après avoir exercé, son métier en fonderie dans la Meuse. Il fut ensuite aux « achats » chez Clarville dans l’Yonne, fabricant de téléviseurs. Puis il se retira à Sarzeau (Morbihan), ville d’origine de son épouse, Renée, qui y vit encore.
Ensuite c’est son plus jeune frère, Yvon Rabiller, qui est entré à Livet après la fin de la guerre. C’est lui dont je viens de recevoir quelques archives « livétiennes ».
NZ 46-51, les Arts à Angers et je crois une 4ème année à Paris.
Il a aussi suivi son frère dans les constructions navales. A Nantes, puis une période en Inde, une en Argentine, et enfin les Chantiers de l’Atlantique, tout ça comme ingénieur.
L’une des archives reçues le décrit comme un très bon élève, parfois un « peu rêveur », en tout cas je le reconnais bien dans sa description en sortie de Livet. Les profs savaient juger !
Il a aussi fait une très belle carrière et vit une retraite heureuse à La Baule.
Je viens de découvrir qu’il a quitté Livet seulement 2 ans avant que j’y entre !
Quatrième de la famille à « passer » par Livet, eh bien c’est moi !
Né en 39, « réfugié » ensuite à Chateau-Thébaud, j’y ai causé une belle frayeur à ma mère. Un matin elle ne m’a pas trouvé dans la maison, au jardin …. Alors qu’elle me cherchait, quelqu’un lui a dit que j’avais suivi des petits voisins (mais plus grands que moi) sur le chemin de l’école. Elle s’y est rendue et m’a trouvé, dans la classe où je venais d’arriver !! La maîtresse, Mme Dourneau, lui a dit que je me tenais bien et que je pouvais rester si elle le souhaitait. Et c’est comme ça que je suis entré à l’école à moins de 4 ans !!
Ҫa me plaisait ; tant et si bien que lorsque nous sommes arrivés à Vertou et moi à l’école primaire, j’avais une belle avance sur les garçons de mon âge.
Dans cette école, maintenant siège d’associations, bibliothèque …, de 4 salles, nous restions 2 ans dans la même avec le même instituteur et ce pour 2 niveaux bien sûr.
5 années agréables d’abord, avec des maîtres sévères mais très intéressants, puis 2 ans un peu difficiles moralement pour moi. Il est compliqué d’expliquer cela pour un enfant ; mais j’ai cru comprendre ensuite que ce nouvel instituteur, qui s’était mutilé pour éviter le STO… sans doute assez marqué politiquement…, était « anti-bourgeois » ! La situation de mon père, ingénieur, devait générer une antipathie qu’il reportait sur moi. Et comme durant toute la primaire je n’ai occupé que 2 places au classement, premier ou second, ça n’allait pas fort entre nous. Que n’ai-je entendu comme phrases plus ou moins vexantes … c’est la vie ! Je tais son nom, car malgré cela je l’ai toujours respecté, c’était un bon enseignant.
Un petit souvenir en passant, durant l’année 44 je crois, mon « jeune » oncle Yvon, dont j’ai parlé plus haut, a séjourné chez nous (sans doute pour être éloigné des bombardements sur Nantes) et est donc venu dans « mon » école. Je l’ai alors fait passer auprès de mes copains pour mon grand frère !! J’étais fier ! Je le lui ai dit beaucoup plus tard et ça l’a bien amusé car il n’en n’avait rien su.
En 52 nous avons déménagé vers Nantes, et j’y ai suivi ma dernière année de primaire ….. avec le même instit qui venait d’être muté !! Et encore quelques phrases peu motivantes comme « tu ne réussiras pas à entrer à Livet … » etc….. Ouf, certificat d’études, avec mention svp, et bye !!
Le pire est qu’il a failli avoir raison !! je suis bien entré à Livet, mais reçu seulement avant-dernier !!
Lorsque, le jour du concours, après les épreuves de maths, je suis rentré à la maison, mon père a examiné les brouillons que j’avais gardés, et il m’a posé une question : 8 et 7 ça fait combien ? je répondis 15 ; oui me dit il, alors pourquoi as-tu fait 8 et 7 = 14 !! Eh oui j’avais trouvé un résultat avec une longue suite après la virgule, j’avais alors suivi une autre méthode et avait obtenu le même résultat ; donc c’était bon ! Sauf que j’avais alors répété la même erreur ! Le stress ?
A la rentrée 53, direction Livet, expérience difficile pour celui qui arrivait directement de primaire, contrairement à beaucoup qui venaient d’un collège.
Je revois ma première salle, aménagée dans une aile du déambulatoire du cloître. Et là, j’ai vécu quelques moments « délicats ». Mon oncle était dit « un peu » rêveur, moi je l’étais beaucoup ! et un prof de maths en particulier, Monsieur Rousseau, l’a vite remarqué, et donc me questionnait souvent. Je ne savais pas toujours répondre et alors j’entendais « ton père aurait répondu tout de suite lui ! » eh oui il a eu les 4 Rabiller comme élèves, pour sa dernière année c’était moi et je n’étais pas le meilleur des 4.
Un autre mauvais souvenir dont je suis seul responsable. En interro. de sciences-nat, le trou de mémoire. Pas entraîné du tout, j’essaie de tricher et raté ! ZERO comme note et 3 jours à la maison. Bonne leçon, je n’ai jamais recommencé.
Un accident de parcours a changé mon avenir. En 3ème j’ai souffert d’une maladie contagieuse qui m’a cloué 3 ou 4 semaines au lit. La suite de l’année fut alors très difficile. J’ai demandé à mes parents de redoubler ! mais comme j’étais admis en seconde. ou pour je ne sais quelle autre raison, ils ont refusé. Je l’ai payé dans les 3 années suivantes en E.N.P.
J’étais démotivé en seconde à Livet, tant et si bien que je me suis ensuite retrouvé interne à l’E.N.P de Vierzon. J’y ai continué en TI, section fonderie, jusqu’en fin de terminale, sans y mettre l’énergie nécessaire.
Pendant les vacances d’été mon père me trouvait des embarquements sur des navires de commerce (je ne pensais qu’à ça !).
Et donc, en 56, entre Livet et Henri-Brisson à Vierzon, j’ai fait comme pilotin machine un voyage de 43 jours sur un pétrolier, Donges >Bandar-Mashur en Iran et retour, canal de Suez …etc.… quelle aventure et quel dépaysement à 17 ans. En écrivant ceci je revois, comme si ça avait eu lieu hier, l’attente à l’entrée du canal en « rade foraine » à Port Fouad, avec toutes les barques des Égyptiens qui nous entouraient. Ils montaient à bord pour essayer de nous vendre leurs produits …
Et surtout quelle anxiété en repartant d’Iran car ce fut « les évènements de Suez » et pendant quelques jours nous avons cru devoir faire le tour de l’Afrique. Si ça avait été le cas je serais arrivé à Vierzon avec plusieurs de semaines de retard !
Ouf, un dernier convoi avant la guerre a été autorisé et je suis rentré à temps.
Vierzon, un bon souvenir pour la vie à l’E.N.P, les camarades, un bien moins bon pour la ville, surtout que j’étais très limité financièrement par mes parents et que je m’y ennuyais ferme, ne rentrant à la maison qu’à Noël, Pâques et l’été.
En parlant de mes voyages maritimes d’été il me revient que mes camarades avaient un peu de mal à me croire ! Celui de l’été 57 les a vraiment convaincus car, le hasard a fait que sur le bananier avec lequel j’ai fait deux allers-retours de Nantes à Casablanca, Dakar et Conakry, il y a eu comme passagère la fille d’un propriétaire de bananeraie en Guinée, rentrant en famille pour ses vacances scolaires, et c’était …………….la cousine d’un de mes camarades de promo !! le monde est tout petit.
Autre anecdote marquante pour moi, durant l’été 58, sur un bananier encore, le retour de la Guadeloupe nous a fait subir un typhon (dont le nom m’est resté : Daisy) et ça on ne l’oublie pas !
Et là, en Octobre 58, au lieu de rejoindre l’E.N.P d’Egletons où je devais faire une TS en Dessin Industriel, je me suis engagé dans la Marine Nationale.
Cours de radio, volontaire pour les sous-marins, deux embarquements : la Sultane, un sous-marin de 1943, ex anglais, qui avait participé à la guerre, puis un sous-marin tout neuf, « chasseur de sous-marins » l’Ariane, dont le jumeau (l’Argonaute) est exposé à la Cité des Sciences à La Villette. Visitez le, ça en vaut la peine ! Vous comprendrez alors ce qu’était notre vie, durant une ou des semaines de patrouille sans faire surface !! Ces bateaux ont été les précurseurs de nos sous-marins d’attaque actuels.
Puis la rencontre de ma future épouse (ce mois-ci 48 ans de mariage) m’a fait quitter les sous-marins et je suis devenu radio-volant dans l’aéronautique navale.
En Août 66, après 8 années, j’ai quitté la marine, suis revenu au civil en ayant préparé ce retour pendant plus d’un an, en travaillant d’arrache- pied pour me remettre à niveau. Si j’avais travaillé comme ça à l’E.N.P j’aurais été major !!
J’ai alors fait une bonne carrière civile, d’abord dans une filiale de la Compagnie Générale d’Électricité. J’y étais directeur régional lorsque je fus débauché pour prendre les mêmes fonctions dans une filiale du groupe allemand Mannesmann.
Je me suis arrêté en 96 après être devenu, pour la France, directeur du département « industrie et marine » de cette société.
Encore une fois je peux dire « le monde est petit », car la mère de mon épouse, connue en Algérie, était née en Tunisie, d’ascendants italiens installés depuis au moins 180 ans, et c’est dans ce pays que nous avons décidé de vivre maintenant ! Nous sommes à Tozeur et y sommes heureux.
Quelle joie si je reçois d’autres documents concernant ces « 4 Rabiller » !
J’espère et j’y crois !!
Jean-Claude Rabiller, Livétien, Nant’z’Arts et Vier’z’Arts
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