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Portrait type de l’élève de Livet
Il est élève à Livet. Il a passé la quinzaine. Tous les jours il se lève à cinq heures. Tout au long de l’année il est en classe de 8 heures à 17h30. Même le week-end il révise ses leçons, même s’il n’y en a pas. Il est l’élève modèle par excellence. Il bavarde rarement, il ne bavarde jamais. L’été il s’autorise, mais pas tous les ans, quelques jours de vacances avec ses amis. Il n’a aucune faiblesse. Il ne rate pas ses cours, il n’oublie pas ses affaires. Il fait toujours ses devoirs. Il n’aime pas les bavardages des autres. Il se croit intelligent. Il est intelligent. Il est très intelligent. Il dit et fait des choses intelligentes. Il fait des dissertations et des exposés remarquables. Il se croit élève modèle, il est élève modèle.
Ses épreuves de rattrapage auront lieu le 8 juillet ; il n’a pas eu son bac…
Il est un élève normal du lycée Livet. Il adore les mathématiques. Il aime la physique. C’est sa vie. C’est toute sa vie. Il a minimum 15 à tous ses contrôles. Il se tuerait s’il avait moins. Il ne sèche jamais les cours. Il est toujours en avance, ne répond jamais à son professeur. Les professeurs l’adorent. Ses parents l’adorent. Tout le monde l’adore. Il ne boit jamais d’alcool et ne fume pas de tabac. Il est toujours bien habillé, costard-cravate tous les jours. Il ne va jamais manifester. Il est parfait. Il est vraiment parfait.
Ces derniers jours il ne va plus au lycée. Il reste dans sa chambre à pleurer dans le noir. Il a eu 14,5 à son dernier contrôle de math.
Il est le maillon d’une grande chaîne. Il a entre 15 et 18 ans. Il ne bouge que le matin et le soir, en bus ou en tram. A huit heures, il est déjà dans les fourneaux. Comme dans une fourmilière, avec ses amis ils se rassemblent. Il travaille rarement, il travaille souvent, il travaille toujours. Il se repose parfois : deux jours, deux semaines, deux mois, ce qu’il considère comme le paradis. Il ne mange ni déjeuner ni goûter. Il est fatigué, très fatigué.
Son départ s’effectuera mardi. Il ne reviendra pas au lycée.
Il est lycéen à Livet. A 17 ans, il n’a rien à raconter, si ce n’est le trajet journalier de son domicile au lycée. Il ne fume pas, ne boit pas, ne rit pas. Les claques prises au collège semblent très efficaces. Pour qu’il ne lui arrive rien, ses parents savent se débrouiller. Ils veulent un enfant calme, discret, bien formaté. Pas question d’entretenir un parasite mal habillé. Malheureusement rien à lui envier ? Et pourtant. Il est une gloire, une véritable star au club info. Il a sa moto, est avec la plus belle brune de toutes les geeks en herbe. Il la protège. Voyage dans des contrées lointaines. Dans son monde virtuel.
Texte original : « Le Chef », Dino Buzzati in Le K, 1967.
Il est directeur d’une grande industrie, il a passé la soixantaine, tous les matins il se lève à six heures, été comme hiver, à sept heures il est déjà à l’usine où il reste jusqu’à huit heures du soir et au-delà. Même le dimanche il va travailler, même si les ateliers et les bureaux sont déserts ; mais une heure plus tard, ce qu’il considère comme un vice. Il est l’homme sérieux par excellence, il rit rarement, il ne rit jamais. L’été il se permet, mais pas toujours, une semaine de vacances dans sa villa sur le lac. Il n’a aucune faiblesse, il ne fume pas, ne boit ni café ni alcool, il ne lit pas de romans. Il ne tolère aucune faiblesse chez les autres. Il se croit important. Il est important. Il est très important. Il dit des choses importantes. Il a des amis importants. Il ne donne que des coups de téléphone importants. Même ses blagues en famille sont très importantes. Il se croit indispensable. Il est indispensable.
Les obsèques auront lieu demain à 14 h 30, le cortège se réunira au domicile du défunt.
Productions d’élèves de seconde 7 en fin d’année scolaire 2010.
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